En juillet 2020, le Conseil d'État avait ordonné au Gouvernement d’agir pour améliorer la qualité de l’air dans plusieurs zones en France, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Si des mesures ont été prises, le Conseil d'État estime aujourd’hui qu’elles ne permettront pas d’améliorer la situation dans le délai le plus court possible, car la mise en œuvre de certaines d’entre elles reste incertaine et leurs effets n’ont pas été évalués. C’est pourquoi il condamne l’État à payer l’astreinte de 10 millions d’euros pour le premier semestre de l’année 2021 à l’association Les Amis de la Terre qui l’avait initialement saisi, ainsi qu’à plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air. Le Conseil d’État évaluera les actions du Gouvernement pour le second semestre de l’année 2021 au début de l’année 2022 et décidera si l’État devra verser une nouvelle astreinte.
Saisi par une association de défense de l’environnement, le Conseil d’État avait ordonné le 12 juillet 20171 au Gouvernement de mettre en œuvre des plans pour réduire dans le délai le plus court possible les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France, afin de se conformer aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air, qui fixe des valeurs limites à ne pas dépasser pour ces concentrations. Constatant, le 10 juillet 20202, que les valeurs limites étaient toujours dépassées dans 8 zones et que l’État n’avait pas pris toutes les mesures permettant d’assurer l’exécution de la décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’État lui a ordonné de prendre les mesures nécessaires dans un délai de six mois, sous peine, à l’expiration de ce délai, de se voir infliger une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Après avoir reçu les éléments transmis par le Gouvernement pour justifier son action ainsi que les observations des associations requérantes, le Conseil d’État a tenu une audience publique le 12 juillet dernier. Il a rendu sa décision aujourd’hui.
Les seuils limites de pollution de l’air sont toujours dépassés dans 5 zones
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État constate que, depuis sa décision de juillet 2020, les nouvelles données transmises montrent que les seuils limites sont toujours dépassés dans plusieurs zones et que des actions supplémentaires restent donc nécessaires. En 2019, 5 zones ont encore enregistré un taux de dioxyde d’azote supérieur aux seuils limites (Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse et Grenoble) et une concernant les particules fines (Paris). Les données provisoires fournies par les parties pour 2020 indiquent que les dépassements persistent pour Paris et Lyon et que les taux ne sont que légèrement inférieurs aux seuils limites pour les trois autres zones, alors même que plusieurs sources de pollution, notamment la circulation routière, ont été très fortement diminuées avec les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire.
Les mesures prises ne permettront pas d’améliorer la qualité de l’air dans le délai le plus court possible
Le Gouvernement a indiqué avoir pris plusieurs mesures de réduction de la pollution de l’air depuis juillet 2020 : lancement d’une procédure d’évaluation des politiques publiques en matière de qualité de l’air, instauration de nouvelles zones à faible émission (ZFE), encouragements à la conversion du parc automobile national vers des véhicules moins polluants, interdiction progressive des chaudières à gaz ou à fioul…
Si le Conseil d’État estime que ces mesures devraient avoir des effets positifs sur la qualité de l’air, il relève que des interrogations demeurent pour plusieurs d’entre-elles sur leurs effets concernant le retour sous les valeurs limites comme sur le délai de ce retour. Le Conseil d’État relève en outre qu’aucun nouveau plan de protection de l’air n’a été adopté pour les zones concernées, alors que ces plans constituent aujourd’hui un outil connu et adapté pour préciser les actions à mener et évaluer dans quel calendrier elles permettront de repasser sous les valeurs limites.
Pour ces raisons, le Conseil d'État juge que, malgré les mesures prises et en dépit d’une réelle amélioration de la situation dans plusieurs régions en dépassement, les mesures prises par le Gouvernement ne sont pas suffisantes pour considérer que sa décision de 2017 est pleinement exécutée.
10 millions d’euros d’astreinte pour la période allant de janvier à juillet 2021
Le Conseil d’État condamne ainsi l’État au paiement de l’astreinte pour le 1er semestre (11 janvier - 11 juillet 2021). Compte tenu, à la fois, de la durée du dépassement des valeurs limites (depuis 2005 pour le PM10 et 2010 pour le NO2) mais aussi des mesures prises depuis juillet 2020, le montant de l’astreinte n’est ni majoré ni minoré et est fixé à 10 millions d’euros, comme prévu par la décision du 10 juillet 2020.
L’astreinte sera répartie entre l’association Les Amis de la Terre qui a saisi initialement le Conseil d’État et plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air pour le surplus.
À la suite de cette décision, le Conseil d’État réexaminera début 2022 les actions du Gouvernement pour la période de juillet 2021 à janvier 2022 et, si elles ne sont pas toujours suffisantes, pourra à nouveau ordonner le paiement d’une nouvelle astreinte de 10 millions d’euros, qui pourra éventuellement être majorée ou minorée. Il pourra, à cette occasion, maintenir ou modifier la répartition du produit de l’astreinte.
Qui sont les bénéficiaires de l’astreinte de 10 millions d’euros ?
L’astreinte pour le 1er semestre 2021 sera repartie de la façon suivante :
• 100 000 euros à l’association Les Amis de la Terre
Association de protection de l’Homme et de l'environnement, qui a initialement saisi le Conseil d’État
• 3,3 millions d’euros à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
Activités d’orientation, d’animation de la recherche, d’information et d’incitation dans le domaine environnemental et notamment la prévention et la lutte contre la pollution de l’air
• 2,5 millions d’euros au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema)
Conseil, assistance, études, contrôle, innovation, expertise, recherche notamment dans le domaine de la qualité de l’air extérieur
• 2 millions d’euros à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Activités liées la sécurité sanitaire humaine, notamment dans le domaine de l’environnement et des risques liés à la qualité de l’air
• 1 million d’euros à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris)
Prévention des risques que les activités économiques font peser sur la santé des personnes, ainsi que sur l’environnement, parmi lesquels les risques liés à la qualité de l’air
• 350 000 euros à l’association Air Parif
• 350 000 euros à l’association Atmo Auvergne Rhône-Alpes
• 200 000 euros à l’association Atmo Occitanie
• 200 000 euros à l’association Atmo Sud
Associations agréées appartenant au réseau Atmo France (fédération des associations de surveillance de la qualité de l’air) remplissant des missions de surveillance de l’air et de l’atmosphère ainsi que d’aide à l’évaluation des actions de lutte contre la pollution de l’air dans les régions encore concernées par les dépassements en cause.
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